quand Billie Eilish répond aux critiques sur son corps.
Billie Eilish commence par une question. Non pas pour provoquer mais pour poser un silence.
Avant même de parler de son corps, elle parle d’identité : tu crois me connaître, mais qu’est-ce que tu vois, vraiment ?
C’est une phrase simple, mais elle contient toute la fatigue du monde. Celle d’être observée, disséquée, réduite à des détails, à une apparence, à un rôle qu’on n’a pas choisi. Ce n’est pas une plainte, c’est une mise au point.
Depuis ses 13 ans, Billie a grandi sous des projecteurs qui ne s’éteignent jamais. Ses vêtements amples ont été interprétés comme un message, son silence comme une posture, son corps comme un débat.
Elle dit :
“You have opinions about my opinions, about my music, about my clothes, about my body.”
Elle ne s’énerve pas.
Elle énumère.
Et dans cette énumération, on sent l’usure d’être jugée en continu. Tout ce qu’elle fait devient sujet à jugement : ce qu’elle porte, ce qu’elle dit, ce qu’elle ne dit pas.
Billie ne dénonce pas seulement la curiosité médiatique : elle parle d’un phénomène plus large, celui du regard permanent, ce regard qui transforme le corps en terrain d’analyse, l’image en objet de propriété.
Dans la vidéo, elle enlève lentement ses couches de vêtements. Pas pour séduire, mais pour reprendre la narration et dit :
“The body I was born with, is it not what you wanted?”
C’est une phrase violente par sa douceur, elle renvoie au miroir la contradiction de notre époque : on exige des femmes qu’elles se montrent, mais on les punit dès qu’elles le font.
Avec ce geste elle reprend le pouvoir : vous pouvez regarder, mais vous ne me posséderez pas.
Et c’est là que réside la force de Not My Responsibility. Ce n’est pas un cri de colère : c’est une leçon de maîtrise. Billie transforme le regard extérieur en silence intérieur. Elle prend le contrôle.
“If what I wear is comfortable, I am not a woman.
If I shed the layers, I’m a slut.
Though you’ve never seen my body, you still judge it.”
Ces lignes résument à elles seules le double piège dans lequel tombent beaucoup de femmes, quoi que tu fasses, tu as tort. Si tu te caches, tu déranges. Si tu te montres, tu déranges encore.
C’est la boucle sans fin du regard social, et Billie la casse, calmement, en nommant l’absurdité. Elle expose la contradiction pour ce qu’elle est : une impasse.
Ce qu’elle dit ici, c’est que le problème n’est pas dans le corps, mais dans le regard qu’on y projette.
Billie met le doigt sur quelque chose de collectif : le besoin d’exister sans se justifier, la fatigue d’être “à la bonne distance”, “dans la bonne posture”, “au bon format”.
Son texte nous renvoie notre propre comportement. Notre façon de juger, d’évaluer, de commenter sans même s’en rendre compte. Et c’est la morale de Not My Responsibility : ce n’est pas une défense, c’est un miroir.
Elle ne dit pas : “regardez-moi autrement.” Elle dit : “regardez-vous.”
Ce que j’aime dans ce texte, c’est qu’il ne cherche pas à plaire. Il ne cherche même pas à être compris. Il existe, et c’est suffisant.
Billie ne demande pas le droit d’exister : elle le prend. Et dans un monde où le corps des femmes reste un sujet public, c’est peut-être le geste le plus courageux qu’on puisse faire.
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